Vers une démocratie inter-espèces ?

Ce matin, je me rends au bureau de vote et j’y croise mon sympathique voisin multi-engagé dans diverses actions sociales, écologiques, artistiques, radiophoniques. Bref, nous partageons cette connaissance du désespoir sacrément nécessaire pour nourrir un engagement en faveur d’un monde meilleur. Il me dit qu’il a voté pour le moins pire. Je lui dis que j’ai voté pour la liste avec laquelle je me sens la plus amène de « négocier » d’un point de vue des idées et de la vision politique. C’est une image mais il le prend au pied de la lettre « comment cela négocier ? c’est impossible avec ces gens là ! « . Je souris de son tempérament « râleur » et du mien « harmonisateur-négociateur ».

Nous finissons par nous accorder sur un événement à venir « La place des nons-humains dans la gouvernance des territoires ». Je suis très heureuse que les travaux du POLAU (Pôle des arts urbains) arrivent dans la Drôme. Il me semble que nous sommes aux prémisses d’une future « Démocratie inter-espèces ». Puisse au moins cet imaginaire, cette fiction porter l’espérance d’une dynamique et d’une réalité renouvelée. L’innovation demande de prendre des risques sans lesquels nous ne pourrons évoluer dans notre humanité et dans notre façon d’habiter la Terre. Tandis que certains s’attardent sur des solutions, je m’engage dans une vision permacole, c’est à dire de réfléchir aux conditions qui favorisent la biodiversité.

Je nourris mon besoin d’amplifier les gestes d’empathie pour autre que soi, pour se décentrer de sa communauté d’intérêts propres, et s’ouvrir à nouvelles perspectives d’échanges avec la grande communauté du vivant. J’ai le sentiment qu’il en va de la survie et de la libération de l’espèce humaine d’accepter et de comprendre que notre nature interconnectée nécessite de donner de la voie, du pouvoir, et de l’agentivité aux autres espèces. « De l’évolution de notre capacité de communication humaine avec les autres espèces, dépend notre survie, notre libération et notre évolution », c’est une intuition. Mon axe est celui de la communication animiste. J’ai la conviction qu’il est possible de communiquer avec tous les êtres vivants, chacun habité par un esprit, une force vitale. Pourtant la culture actuelle (individuelle et collective) rejette et oppresse encore massivement cette possibilité de communication en la cantonnant au rang de stages de développement personnel ou spirituel et en la séparant du monde des idées et d’une vision politique intégrée au quotidien et en réponse à nos besoins d’évolution.

En prenant conscience de cette capacité d’oppression intériorisée dans nos comportements et notre culture, nous pouvons réaliser que notre capacité de libération réside dans la modification de nos comportements et notre culture en construisant des ponts et en favorisant des connexions entre des mondes qui ne se côtoient pas habituellement :

  • A une échelle individuelle : s’ouvrir à notre capacité humaine de dialoguer entre intuition, émotions, corps, inconscient, invisible, intangible, langage non-verbal ET raison, mental, pensées, conscience, tangible, langage verbal.
  • A une échelle collective : s’ouvrir à notre capacité humaine d’ouvrir des espaces sociaux publics où la volonté laisse de la place à « l’âme agie » à partir d’une écoute du « vide » en soi et de la posture « je sais que je ne sais pas » pour accueillir, organiser, structurer ce qui est présent.

Puisse dès lors, notre attention s’ancrer dans l’énergie du désespoir, dans un mouvement d’espérance, sincèrement portée vers l’intention d’habiter autant l’espace du « ET » que celui de la « vacuité » en confiance.

/27 juin 2021 – Gabrielle Soo-ah SON

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2 réflexions au sujet de « Vers une démocratie inter-espèces ? »

  1. « Se décentrer de sa communauté d’intérêts propres, et s’ouvrir à nouvelles perspectives d’échanges avec la grande communauté du vivant… »
    J’adhère tout-à-fait !
    Sortir des luttes politiques qui n’amènent que désolation, haine… sortir des luttes de pouvoir…
    pour une démocratie des âmes, qui vient d’en bas, et non projetée par un – des – pouvoir(s), quels qu’ils soient…
    Je pense aux mots du Chef Joseph de la tribu des « Nés-percés » : « La terre et moi sommes d’un même esprit. La mesure de la terre et la mesure de nos corps sont les mêmes… » Harmonie…
    Des mondes parallèles ne se parlent pas, alors qu’ils auraient beaucoup à apprendre de chacun…
    Ecouter… Voir… Partager… Il y a tant à faire… Quelques fois ce sont de petits ruisseaux. Mais il n’y a pas de choses petites… « Les petits ruisseaux font les grandes rivières », et vont à la mer… mais l’important c’est de ne jamais oublier l’air premier quand on arrive à la multitude des ondes…
    Beaux questionnements, belles propositions, avec toujours l’idée du partage concret, loin de l’idéalisme, mais avec… de l’idée !
    Je suis touché « en pleine âme »…

    Jean Lapierre

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